Par Mireille Thériault, M. Sc., professionnelle de recherche, et Marie-Noëlle Thivierge, agr., Ph. D., chercheuse scientifique, Agriculture et Agroalimentaire Canada
La cicadelle de la pomme de terre est un insecte polyphage – qui mange de tout! – et s’attaque ainsi à de nombreuses espèces agricoles, notamment la pomme de terre, le soya, le haricot, le trèfle et la luzerne. Cet insecte pique les tiges, y extrait de la sève puis y injecte des composantes salivaires provoquant chez la plante un blocage du transport de la sève. Chez la luzerne, les ravages de la cicadelle peuvent comprendre une diminution de la survie hivernale, du rendement et de la valeur nutritive. La luzerne étant un aliment clé de l’alimentation des vaches laitières au Québec, les conséquences économiques liées aux infestations de cicadelle peuvent être importantes.
Différentes stratégies existent pour atténuer les effets de la présence de la cicadelle, notamment l’utilisation d’insecticides ou de cultivars de luzerne résistants. L’ajout d’une graminée en mélange avec la luzerne pourrait également être une option intéressante puisque la présence de cette autre espèce pourrait confondre les insectes qui peineraient à repérer la luzerne pour s’y attaquer. Ces trois stratégies de lutte, jamais comparées dans nos conditions auparavant, ont été étudiées à trois sites de régions contrastées (deux sites à Sainte-Anne-de-Bellevue et un site à la Pocatière), pendant trois années. Deux mélanges à base de luzerne et contenant 25 % ou 50 % de graminées (brome inerme et fléole des prés) ont été évalués. Les populations de cicadelles (adultes et nymphes) ont été suivies chaque semaine.
Les années où les populations de cicadelles étaient élevées, l’application d’un insecticide et l’utilisation d’un cultivar résistant à la cicadelle se sont révélées des stratégies efficaces pour réduire les effets négatifs de la cicadelle sur la luzerne. Toutefois, avec des populations plus faibles de cicadelles, la productivité du cultivar résistant à la cicadelle était inférieure à celle du cultivar non-résistant, limitant l’usage de cette stratégie. La présence de graminées en mélange avec la luzerne a eu un effet positif mais faible, probablement en raison de la faible proportion réelle de graminées dans les deux mélanges testés. Finalement, les chercheurs ont pu observer qu’une récolte du fourrage lorsque la population de cicadelles était élevée permettait de réduire rapidement l’infestation de cicadelles : la fauche éliminerait une bonne partie des œufs et laisserait les nymphes sans nourriture.
Les conclusions de cette étude demeurent limitées par les populations de cicadelles qui ont été faibles lors de plusieurs des années d’études et par la faible présence de graminées dans les mélanges testés. L’utilisation d’un insecticide s’est avérée une stratégie efficace, quoi qu’elle soit dommageable pour des espèces alliées comme les abeilles. Cette étude suggère toutefois qu’une bonne gestion des coupes pourrait être une stratégie tout aussi efficace.
Source : Shi et coll. 2025. Canadian Journal of Plant Science, https://doi.org/10.1139/cjps-2024-0087
Image: Collecte de cicadelles de la pomme de terre dans la luzerne
Crédit photo: Marc Laverdière AAC-AAFC